Le développement de l’éducation, depuis la fin du XVIIIe siècle, fut porteur de grands espoirs. L’instruction publique s’imposa comme l’un des mythes humanistes propres à assurer un monde meilleur. En France, la IIIe République fit sortir l’école des milieux cléricaux ; on chargea l’instruction publique, outre d’alphabétiser le peuple, de façonner des esprits républicains rétifs à l’idée de restaurer la monarchie. L’école devait se substituer à l’instruction religieuse pour diffuser une morale laïque. La religion, qui autrefois fournissait au peuple l’unique aliment à sa curiosité, perdit son monopole. Depuis lors, les sacerdoces conservateurs ne peuvent plus opposer aux découvertes scientifiques un anathème théologique ; la conscience publique, devenue plus éduquée, s’est trop affranchie de cet ancien esprit sectaire.
Le résultat immédiat dont pouvait se flatter l’instruction publique fut de sortir la culture de sa sphère élitiste pour la rendre accessible au peuple. Un individu instruit devient beaucoup plus autonome. Les classes populaires savent désormais bien plus de choses qu’autrefois. Le peu de connaissances scientifiques auxquelles elles ont accès suffit à populariser, jusqu’au dernier des écoliers, la critique des dogmes religieux trop rigides.
La hiérarchie sociale ne peut plus se prévaloir du droit du sang ; c’est la hiérarchie scolaire, celle des diplômes, qui doit s’y substituer. La confiance en l’éducation a toutefois été ébranlée. L’égalité des chances est vite apparue comme un leurre, le système éducatif apparaissant davantage comme un outil propre à creuser les inégalités, à confirmer la position des élites dominantes et à accentuer l’exclusion sociale.
L’éducation ne fait pas qu’ouvrir les esprits. Elle diffuse des idées partisanes, comme la superstition du classicisme gréco-latin, ou la supériorité de la civilisation moderne sur les civilisations anciennes… Les régimes despotiques ne manquent pas d’employer l’école publique au service de leur propagande. La constitution soviétique de 1917 assignait, pour l’une des tâches du système unique d’enseignement, d’inculquer aux jeunes une conception du monde « conforme à la vérité scientifique du marxisme-léninisme ».