Les médias et les réseaux sociaux 

Les applications techniques ont permis l’essor des médias audio-visuels et des moyens de diffuser d’information, brisant le monopole des grands groupes de presse écrite, qu’ils relaient en tant qu’espace de liberté, et qu’ils dépassent souvent en influence sur le grand public.

Plus encore que l’instruction publique, les médias audio-visuels ont produit, au XXe siècle, un effet intégrateur jusque sur des populations plus ou moins marginales des provinces qui, auparavant, se seraient presque senties étrangères. Au XIXe siècle, les paysans ignoraient la civilisation urbaine et son agitation, et certains provinciaux ne parlaient presque pas la langue nationales. Les médias leur font désormais respirer l’ambiance de la capitale et des grandes villes ; ils leur permettent de se laisser gagner par leur agitation tout autant que les citadins. À l’heure actuelle, le monde entier est relié à internet et aux réseaux mondiaux d’information, générant de nouveaux liens et de nouveaux rapports sociaux.

Les milieux populaires, même s’ils n’ont pas atteint un niveau d’instruction élevé, cherchent un aliment à leur curiosité intellectuelle. Ils restent attentifs aux découvertes de la science, vulgarisées à leur intention par la presse et par les médias. Ils ne font pas qu’apprendre les nouveautés en théorie ; les images télévisuelles leur permettent de voir des chose autrefois inaccessibles, comme la Terre vue du ciel, la surface de la Lune et de Mars, ou l’approche d’autres astres plus éloignés. Les autorités sacerdotales, qui autrefois détenaient le monopole de la connaissance, ont définitivement perdu ce privilège de la vérité officielle.

Les télécommunications et les réseaux sociaux numériques ont généré une nouvelle utopie, celle de nouvelles structures de vie collectives. Ils développeraient les contacts entre les hommes en multipliant les communications. Grâce à l’instantanéité, à l’omniprésence et à l’abolition des distances, ils restaureraient la démocratie directe à travers un espace public dont l’agora ou le forum tenaient lieu dans les républiques antiques. Les résultats ne s’avèrent toutefois guère aussi concluants. Les contacts et la solidarité étaient plus réels dans les petites communautés traditionnelles que dans l’espace numérique moderne, où ils demeurent factices. La démocratie cathodique qu’on prétend ériger devient un terrain ouvert aux manipulations.

Les images télévisées disposent d’un impact réel. Elles peuvent éveiller ou assoupir l’émotion populaire. La surabondance d’informations et la prolifération d’images finissent par submerger les intellects, qui ne peuvent pas dominer leur déferlement. Plutôt que d’éduquer le public, on exploite le sensationnel, on monte en épingle des faits dépourvus d’intérêt véritable. Le spectateur se sent en familiarité avec l’évènement, comme s’il y assistait à proximité, alors qu’on ne lui en montre qu’une vue partielle. Le vacarme médiatique génère un conformisme tout aussi pesant. L’individu, livré à des flux de tout genre, n’est pas à même de réagir et de discriminer avec rectitude.

Les médias constituent des armes puissantes ; ils se substituent à l’autorité de l’enseignement jusqu’à usurper un pouvoir sur les consciences. Le système d’information, qui cible la partie reptilienne du cerveau, tend à crétiniser le public et à confiner les masses dans un milieu infantile d’un niveau intellectuel très bas. Les animateurs télévisuels exercent une influence plus grande que les sacerdoces, les intellectuels et les scientifiques. Quand le pouvoir politique n’a aucune prise sur les médias, il les redoute et les ménage. Les gouvernants reculent devant l’impact médiatique des images chocs.

Les médias, même affranchis en apparence du monopole public, n’échappent pas à l’emprise du pouvoir dominant, que ce soit celui de l’argent ou celui de l’État. L’interférence des milieux financiers réduit l’information et la culture à des marchandises ; et quand les médias sont monopolisés par un régime despotique, ils servent sa propagande avec tout autant d’efficacité, en passant au service d’une pensée unique. La centralisation politique bénéficie, tout autant que les forces démocratiques, de l’évolution des moyens de communication ; de même qu’elle a su utiliser Internet, elle saura utiliser les nouvelles techniques de communication qui verront le jour.

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Pascal Bancourt - Écrivain